Bonjour.
Il n’y aura pas de présentation. Après 26 ans en ces lieux, il me semble ridicule de prétendre que quelqu’un est particulièrement honoré par ma présence.
Si je dois être franc à ce sujet, je me suis invité moi-même. Pas de la manière dont Edward Snowden s’est invité à l’aéroport de Cheremetievo [1] . Ni de la manière dont Julian Assange [2] s’est invité à l’ambassade de l’Équateur à Londres. Certainement pas de la manière dont Chelsea Manning [3] s’est invitée à une peine de 35 ans au pénitencier militaire de Fort Leavenworth [4]. Non, en tant que professeur de droit je ne me suis assigné aucun devoir pénible. Je n’ai eu d’autre intention que de venir ici et de vous dire la vérité.
Je ne souhaite pas imposer mes idées à qui que ce soit, mais la vérité est que je me sens obligé de parler. Personne ne se souviendra de grand chose de ce que j’ai à dire, mais les choses dont je suis venu parler ici — à la fois de ce qui a été fait et de ce qu’il reste à faire — je dois dire qu’elles ne seront jamais oubliées.
Dans la troisième partie de son Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain [5] , Edward Gibbon [6] donne deux raisons pour lesquelles l’esclavage dans lequel avaient sombré les Romains sous les règnes de l’empereur Auguste et de ses successeurs les avait laissés plus misérables qu’aucun autre épisode d’esclavage humain.
En premier lieu, Gibbon disait que les Romains avaient emporté avec eux, dans l’esclavage, la culture des gens libres — leur langue et leur conception d’eux-même en tant qu’êtres humains présupposait la liberté. Et en conséquence, Gibbon dit que, bien qu’oppressés comme ils l’étaient par le poids de leur corruption et des violences militaires, les Romains ont longtemps gardé les sentiments, ou du moins les idées, d’un peuple né libre. Dans un second temps, l’Empire romain s’étendit au monde entier et quand cet empire tomba entre les mains d’une seule personne, le monde était devenu une prison sûre et morne pour ses ennemis. Comme Gibbon le dit, résister était fatal et il était impossible de s’échapper.
Le pouvoir de cet Empire romain résidait dans son contrôle des communications. La mer Méditerranée, qui était le point de transit de toutes les civilisations occidentales, était leur lac. Et à travers leur empire européen, depuis l’Écosse jusqu’à la Syrie, ils ont étendu les routes — routes qui, quinze siècles plus tard, étaient toujours les artères principales du transport européen. Par ces routes qui, comme Gibbon le dit, rendaient chaque coin de l’Empire perméable au pouvoir romain, l’empereur faisait défiler ses armées. Mais à l’origine de ces routes, il recueillait ses renseignements. Auguste a inventé les services postaux : tout d’abord pour les renseignements généraux, pour transporter messagers et messages à la plus grande vitesse possible ; puis, par la suite, pour les renseignements humains. Il a créé les chefs de postes pour que, comme le dit Gibbon, ceux qui étaient présents lors de la rédaction des dépêches puissent être interrogés par l’Empereur. En utilisant cette infrastructure pour le contrôle des communications, l’empereur des Romains s’était rendu l’être humain le mieux informé de toute l’histoire du Monde en ce qui concerne tout ce qui gravitait autour de l’administration du pouvoir.
Ce pouvoir avait éradiqué les libertés humaines. « Souviens-toi, » dit Cicéron [7] à Marcellus [8] en exil, « où que tu sois, tu es à égale distance du pouvoir du conquérant. » [9]
L’empire des États-Unis, l’empire global qui a suivi la victoire de la Seconde Guerre mondiale, dépendait lui aussi du contrôle des communications. C’est probablement la plus grande leçon militaire de la Seconde Guerre mondiale, que celui qui a accès aux communications de l’ennemi, a l’avantage. À tous les niveaux, des duels de tactiques d’artillerie aux plus grandes stratégies de confrontations navales dans le Pacifique, le nouveau rythme de la guerre donne la victoire à celui des deux camps qui sait en premier quels sont les plans de l’autre.
Ceci fut, de manière évidente, au centre du développement du pouvoir pour dominer le monde quand, quelque vingt ans plus tard, l’empire des États-Unis se trouva enfermé dans une confrontation, avec risque d’annihilation nucléaire, avec l’empire soviétique — une guerre de sous-marins cachés dans le noir sous les continents, capable d’éradiquer toute civilisation humaine en moins d’une heure dans une confrontation impérialiste ou les règles d’engagement étaient : « tirer en cas de danger ». Ce fut pour cette raison que l’empire des États-Unis décida d’avoir exactement la même approche de l’effort pour rendre tout lieu perméable à son pouvoir, que celle que l’empereur Auguste avait eu jadis. Et ceux qui nous épiaient ambitionnèrent de tout savoir.
Désormais, la structure de l’écoute, qui fut créée lors de la Seconde Guerre mondiale — l’espionnage, la capture des signaux et le cassage des chiffrements — étaient, dans l’esprit de tout un chacun, inhérents au nouvel ordre des pouvoirs dans le monde, son centre complètement stratégique. Et, alors que c’était devenu banal de reconnaître, depuis la fin de la guerre froide, que les États-Unis avaient, pendant des décennies, dépensé autant pour leur pouvoir militaire que toutes les autres puissances du monde réunies, il n’en allait pas de pair dans la conscience des gens, que l’interception de signaux et le cassage des chiffrements mobilisaient une part équivalente de nos efforts.
Ce système d’écoute, qui avait en son centre les mêmes réalités de pouvoir, ce système qui avait grandi avec le National Security Act10 et ses législations successives aux États-Unis, avait un genre systémique particulier : l’écoute était sous contrôle militaire, employant une large portion de force de travail civile. Une telle structure pré-supposait précisément la nature de renseignement étranger de cette activité. Le contrôle militaire était à la fois le symbole et la garantie de la nature de l’activité qui était engagée : tout le monde comprenait que si vous aviez placé une telle activité, sur le territoire domestique, sous contrôle militaire, vous auriez violé les principes fondamentaux du contrôle, par la société civile, du gouvernement des ÉtatsUnis.
À la place nous avons eu un service de renseignement étranger vu comme l’une des bases les plus importantes du pouvoir des États-Unis, responsable devant son Président en tant que commandant en chef, et basé sur le contrôle militaire et l’intégrité de l’armée. Parce-que, bien sûr, l’intégrité était l’autre face de la médaille. Le contrôle militaire garantissait l’obéissance absolue en ce qui concerne le principe fondamental qui était « pas d’écoute ici ». La limite entre « à domicile » et « ailleurs » était la même qu’entre « absolument autorisé » et « absolument interdit » — entre le monde dans lequel, ceux dont le boulot était de tuer des gens et de détruire des choses, qui ont, au lieu de cela, volé des signaux et cassé des chiffrements, et le monde du système constitutionnel de la liberté organisée.
Il y a énormément de choses à dire — et nous aurons à en dire au fil du temps que nous allons passer ensemble — à propos de la moralité de cette hypothèse. Mais je dois vous demander de garder à l’esprit que cela a également été accompagné par la réalité des communications au cours du vingtième siècle, qui étaient organisées hiérarchiquement et très souvent contrôlées par les États. Quand le gouvernement des États-Unis avait choisi d’écouter d’autres gouvernements étrangers — leurs militaires, leurs communications diplomatiques et leurs hommes politiques partout où c’était possible — ils écoutaient dans un monde de cibles définies. Raison pour laquelle ils se sont attribué leur supposition préférée, qui était que tous les autres les écoutaient de la même façon et aussi radicalement qu’ils le faisaient, ce qui bien sûr était loin d’être aussi important qu’ils ne le pensaient, puisque nous sommes l’Empire. À partir de cette base, nous avons formé des alliances fondamentales avec les autres sociétés du monde de langue anglaise pour une coopération complète en matière de renseignement des signaux, basée sur deux principes de base : ceux qui écoutaient dans chaque société de langue anglaise n’écoutaient pas sur leur territoire, et ne s’espionneraient pas les uns les autres. Ainsi nous et eux étions dos à dos à l’écoute du reste du monde. À partir de là, dans cette ère de l’ordinateur numérique, nous commencions à être capable de tout capter.
« Tout » a été défini comme l’ensemble des signaux du spectre électromagnétique et ses accessoires câblés en cuivre. Les principes de bases étaient : casse, exploite et vole — c’est pourquoi, il y a sur le toit de toute ambassade des États-Unis, sur toute possession sur les mers et sur tout autre endroit où on peut loger des antennes, celles que nous voulions y placer. Et tous les accords que l’on pouvait faire pour l’échange de renseignements des signaux entre les parties engagées dans les écoutes étaient de tout nous donner. Ainsi nous pouvions obtenir ce dont nous avions besoin et nous avons eu le sentiment que nous avions besoin de tout.
Au début nous écoutions les militaires et leurs gouvernements. Plus tard nous avons surveillé les flux des marchés internationaux pour peu qu’ils engageaient les intérêts de la sécurité nationale des États-Unis.
Mais il y a quelque chose à propos des armes de guerre : en 1937, bombarder des populations civiles depuis les airs était une innovation dans l’aspect criminel de la guerre, et Pablo Picasso le trouva digne de son travail. Moins d’une décennie plus tard, des douzaines des plus grandes villes du monde étaient devenues des décombres et les États-Unis avaient largué des bombes nucléaires sur des villes japonaises. À présent les États-Unis considèrent le bombardement aérien comme la forme de guerre la plus propre.
Au début nous écoutions les armées, les ambassades, les diplomates et les membres de gouvernements. Puis nous avons écouté l’économie globale. Maintenant on entend dire que l’espionnage de l’ensemble des sociétés du monde est normal.
Le régime que nous avions construit pour nous défendre de l’anéantissement nucléaire, dans un monde où l’accès aux signaux des adversaires représentait ce qui permettrait la victoire, nous mena en cette fin de vingtième siècle, vers deux types de profondes restructurations sociales. Tout d’abord, la Guerre Froide avait touché à sa fin et l’Union Soviétique fut dissoute. Des pans entiers des institutions de sécurité nationale — qui continuaient d’absorber plus de ressources aux États-Unis que dans le reste du monde réuni, et j’inclus ceux qui écoutent — une structure de sécurité nationale tout entière s’était donnée de nouveaux objectifs, non plus de surveiller un empire pointant vingt-cinq mille armes nucléaires juste sous notre nez, mais de surveiller la population entière du monde afin de localiser quelque milliers de personnes fomentant diverses formes de meurtres de masse.
Dans un second temps, la nature des télécommunications humaines changea. Le système qu’ils avaient construit, avec toutes ses transformations, dépendait, comme je l’ai dit, de cibles définies : un circuit, un numéro de téléphone, une plaque d’immatriculation, une localisation. La question de la capacité se résumait à combien de cibles était-il possible de suivre simultanément dans un monde où chacune requérait infiltrations, écoutes et captations. Mais ce qui arriva au début du vingt-et-unième siècle fut que nous avons acquis de nouvelles méthodes de communications uniques dans l’histoire de l’espèce humaine — le commencement du début du commencement d’un système nerveux que nous construisions, dans lequel chaque être humain était devenu un neurone dans ce grand esprit-ruche que nous appelerons l’humanité. Et à partir du moment où nous avons commencé à faire cela, deux choses ont commencé à dysfonctionner : la simplicité de « une cible, un circuit » a disparu, et la différence entre dedans et dehors s’est, elle aussi, évanouie.
En particulier cela a disparu aux États-Unis, parce qu’une grande partie de l’intelligence de ce cerveau que l’on construisait pour l’humanité, pour le meilleur et pour le pire, résidait ici. Par conséquent, la question « écoutons-nous à l’intérieur ? » se transformait en « allons-nous tout simplement perdre notre capacité d’écoute ? ». Ce à quoi, bien sûr, la doctrine fondamentale de la sécurité nationale — quoi que « sécurité nationale » puisse vouloir dire — n’avait qu’une seule réponse acceptable.
Dans ce mélange, entre les structures du pouvoir impérial du vingtième siècle et la réalité des technologies du vingt-et-unième siècle, une administration des ÉtatsUnis largement irresponsable s’est alors manifestée.
Quoi qu’il en soit, l’histoire retiendra d’eux qu’ils n’ont pas beaucoup réfléchi avant d’agir. Présentées grâce à une calamité nationale [11] qui a également constitué une opportunité politique, rien ne s’est dressé entre eux et toutes les erreurs que l’empressement peut engendrer, et dont l’histoire peut se repentir à loisir. Et ce qu’ils ont fait, bien sûr — secrètement, avec l’assistance de juges choisis par un seul homme opérant en secret et avec la connivence de beaucoup de personnes honnêtes qui croyaient faire la seule chose qui devait sauver la société — était d’affranchir ceux qui nous écoutent de la loi.
Non seulement les circonstances ont détruit la simplicité du « pas d’écoute à l’intérieur », non seulement les magouilles du Foreign Intelligence Surveillance Act [12] les ont amenés dans une situation où aucune loi ne leur fournirait des points de repères utiles, mais en plus ils voulaient le faire — soyons francs : ils voulaient le faire. Leur vision de la nature du pouvoir humain était « Augustienne » pour ne pas dire « auguste »
[13]. Ils voulaient ce qui était interdit aux personnes sages et le prendre pour elles-mêmes. Et ainsi ils sont tombés et nous sommes tombés avec eux.
Nos journalistes ont échoué. Le New York Times a permis de ne pas divulguer d’informations pendant les élections de 2004, à propos de choses qu’il connaissait, ayant pris une décision qui, peut importe le nombre de prix Pulitzer qu’elle continuera à faire gagner, restera toujours une souffrance parmi nos souvenirs — si ce n’est ailleurs.
Nous avons échoué collectivement à manifester toute forme d’indignation, parce que nous avions peur. Au début, nous n’avons pas demandé comment cela se passerait. Et maintenant on s’est bien fait avoir. Nous avons eu notre Guernica et nous n’y avons que peu prêté attention. Et il ne restait plus aucune limite. Ils ont vécu dans un réseau en évolution, avec des cerveaux numériques que l’ont pouvait contraindre pour rassembler tous les renseignements sur toute la race humaine pour de pures raisons de mise en scène et de capitalisme. Ils ont alors perverti ces lieux. Et aux opérateurs de réseaux, aux États-Unis, nous avons donné une immunité légale pour leur complicité, leur permettant ainsi facilement d’aller encore plus loin.
C’est alors qu’une révolte a commencé à l’intérieur.
À Hong-Kong, durant sa brève carrière de penseur et d’orateur publique — ce sur quoi je vous demanderai votre attention et à propos de quoi nous passerons beau, Edward Snowden nous a dit une chose très utile et très simple. Il a dit que les analystes ne sont pas de mauvaises personnes et ne veulent pas penser ainsi d’euxmêmes mais ils en sont venus à penser que si un programme produit quelque chose d’utile, alors il est justifié.
Parce qu’évidemment, ce n’était pas leur travail d’évaluer la moralité fondamentale. Ce qui est dommageable, puisque les personnes dont le travail était d’évaluer la moralité fondamentale ont échoué bien plus profondément que nous, les journalistes et n’importe qui d’autre.
Ils sont tombés et nous tombons avec eux parce qu’ils ont refusé d’accepter qu’il y a une moralité de la liberté. Et ce sont les personnes qui travaillaient pour eux qui ont ressenti les premières leur échec. Par conséquent, depuis le milieu de la première décennie du vingt-et-unième siècle des personnes ont commencé à protester de partout.
Ces personnes courageuses ont sacrifié leur carrière, se sont fait peur, et ont parfois souffert de destructions personnelles, pour dire qu’il y avait quelque chose qui était profondément mauvais. Plus tard, je vais essayer de vous démontrer et vous démontrerai comment ils en sont venus à ces conclusions et ce qu’ils essayaient de dire. Mais pour le moment, il suffit de dire que ce qui advint était : régner par la peur. Il sera suffisant de dire, qu’avec leur manque de sagesse, ceux qui ont cru en l’importance de ceux qui écoutent et en leurs activités cherchaient à traiter ceux qui protestaient de la manière la plus dure possible.
Ce n’est pas de chance de devoir s’attarder sur l’ampleur des échecs, une fois que la moralité en terme de liberté ne fait plus partie de leur monde. M. Snowden a dit à Hong Kong qu’il se sacrifiait — ce qu’il savait qu’il faisait — pour sauver le monde d’un système comme celui-là, seulement contraint par des documents politiques. La prochaine fois que nous nous rencontrerons, nous reviendrons longuement et en détail sur les idées politiques d’Edward Snowden — elles sont dignes de respect et d’une profonde considération. Mais pour l’instant, une fois de plus, il sera suffisant de dire qu’il n’exagérait pas sur la nature des difficultés.
Car grâce à M. Snowden, nous savons que ceux qui écoutent, dans leurs efforts agressifs pour maintenir la sécurité des États-Unis en cassant tout ce qui se dresse contre les écoutes, ont entrepris de faire, dans le commerce, en le présentant comme une affirmation respectable, ce qu’ils ont toujours promis qu’ils ne feraient jamais.
Systématiquement, ils ont renouvelé, chaque fois que possible, de la manière la plus discrète mais la plus crédible pour l’opinion respectable, qui apporta alors de l’eau à leur moulin à travers notre monde, ce qu’ils avaient promis une fois pour toutes. Ils ont toujours dit qu’ils n’essayeraient pas de casser le chiffrement qui sécurise le système financier global.
C’était faux.
Quand, le 6 septembre 2013, le New York Times a repris triomphalement son métier de journaliste sur le sujet, en révélant l’existence du programme Bull Run [14], publiant diverses divulgations de M. Snowden à la fois à propos de la substance de Bull Run et à propos des diverses discussions de l’Agence de Sécurité Nationale [15] à son sujet, nous avons appris que ceux qui écoutent aux États-Unis ont délibérément et systématiquement essayé de ruiner le chiffrement qui maintient le système financier international depuis des années. Et nous avons appris beaucoup plus — nous passerons d’avantage de temps sur ce sujet un prochain après-midi et nous considérerons avec attention ce que nous avons appris à cet égard — nous
avons appris que leurs efforts n’ont été jusqu’ici qu’un succès partiel.
En quelques heures, ils ont perdu la confiance de l’opinion respectable dans le monde, elle qui s’était toujours tenue de leur côté tout le long du chemin. L’irresponsabilité de ce qu’ils ont fait, et le danger dans lequel ils ont mis les gens qui n’acceptent pas les dangers qui viennent des États-Unis, est à couper le souffle.
Quand la moralité de la liberté est si totalement bafouée, ce ne sont pas seulement les gens simples du monde qui en souffrent, mais pourtant ils l’ont fait. L’empire des États-Unis, celui qui s’est sécurisé en écoutant tout, était l’empire de la liberté exportée. Ce que nous avions à offrir dans le monde entier était la liberté — après la colonisation, après le rapt de l’Europe, après les diverses formes d’horreurs du vingtième siècle dont nous n’avons même pas encore parlé — nous offrions la liberté ; nous offrions d’être libre.
Au vingtième siècle nous étions préparés à sacrifier nombre des plus grandes villes du monde, et à accepter le sacrifice de dizaines de millions de vies humaines, afin de nous protéger contre des formes de gouvernement que nous qualifiions de « totalitaires », et dans lesquelles l’état grandissait tellement et de manière tellement invasive qu’il ne reconnaissait plus les limites de la vie privée, et il s’insinuait dans tout ce que ses concitoyens faisaient. Où l’état écoutait chaque conversation téléphonique et maintenait une liste de toutes les personnes que connaissait chaque fauteur de trouble.
Alors disons malheureusement la vérité telle qu’elle apparaissait aux personnes qui travaillaient dans ce système : quand la moralité de la liberté a été retirée, notre état a commencé à rapprocher les processus totalitaristes de la substance de notre société démocratique.
Il n’y a pas de précédent historique à cette proposition disant que les processus du totalitarismes sont compatibles avec le système de l’auto-gouvernance, éclairée, individuelle et démocratique. Personne n’a jamais, auparavant dans l’histoire de la race humaine, avancé un argument — et je le démontrerais la prochaine fois, aucun argument ne peut être avancé — qui nous donnerait confiance en la capacité des processus totalitaires à coexister avec ceux d’une auto-gouvernance démocratique et constitutionnelle. Il est suffisant de dire pour le moment que l’omniprésence d’écoutes invasives génère des peurs. Et je n’ai pas besoin d’être un professionnel de la justice pour dire que la peur est l’ennemi de la raison, de la liberté organisée.
Il est, bien sûr, totalement en contradiction avec l’idéal états-unien de rapprocher les processus totalitaires sur l’auto-gouvernance constitutionnelle des États-Unis. Et cet été, beaucoup de mes chers collègues et camarades dans nos mouvements ont passé énormément de temps aux États-Unis pour démontrer que ceci était gravement incompatible avec un droit états-unien très important : « celui de ne pas être écouté ». Droit que je possède moi aussi, avec eux, et en lequel nous avons une profonde croyance. Mais ce n’est pas mon propos premier d’affirmer cela en ce moment précis. En partie, comme je devrai le suggérer la prochaine fois, parce que la liberté n’est que la prolongation des privilèges si chacun et tout le monde n’en profite pas. Mais, tout d’abord, parce qu’il y a une incompatibilité encore plus grande entre les idéaux des États-Unis et la soumission de toutes les autres sociétés sur Terre aux processus totalitaires.
La liberté a été pourchassée tout autour du globe. L’Asie et l’Afrique l’ont longtemps rejetée. L’Europe s’est laissée dominée pour la traiter comme une étrangère et l’Angleterre la jetterait au fond d’un cachot à Heathrow [16] si elle se présentait. Le président des États-Unis a ordonné à tout le monde de ne pas accueillir les fugitifs et de préparer à temps un asile pour le genre humain.
Vous pouvez voir comment cela fonctionne si vous réécrivez Tom Paine [17] sans la moralité de la liberté18. Par conséquent notre principal problème, tout de suite, est que nous les avons autorisés à exporter l’esclavage dans le monde. Tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, devint clair, esprit après esprit, à l’intérieur des entrailles de l’empire et de ceux qui ont écouté au cours de la dernière décennie.
William Binney [19], avec qui nous passerons quelques moments, a dit dans un discours public :
« J’ai quitté la NSA parce que les systèmes que j’ai conçus ont été tournés contre vous. Nous avions une charte légitime pour récolter des renseignements étrangers, mais ensuite ils ont tourné ces systèmes contre vous. Je ne le voulais pas, mais ils l’ont fait ».
Les gens ont commencé à comprendre à l’intérieur du système qu’il était maintenu contre l’ordre démocratique, pas pour lui. Parce qu’ils ont compris que les amarres avait été larguées dans l’obscurité et que le navire voguait sans drapeau. C’était de braves gens et ils ont commencé à craquer. Et alors qu’ils craquaient, le système a commencé à les détruire en retour. Finalement, au moins jusqu’à maintenant, en attendant demain, il y a eu M. Snowden, qui a vu tout ce qui se passait et a montré ce qui se passait aux autres.
Il a compris, comme Chelsea Manning l’a toujours compris, que lorsque vous portez l’uniforme vous acceptez d’obéir au pouvoir. Il a très bien compris ce fonctionnement. Jeune comme il l’était, et comme il l’a dit à Hong Kong, « J’ai été un espion toute ma vie », et je le crois.
Et il a fait ce pour quoi il faut un grand courage, où que vous soyez, en présence de ce que vous considérez comme une injustice radicale. Il n’a pas été le premier, il ne sera pas le dernier, mais il a sacrifié sa vie pour nous dire des choses que nous devions savoir.
Edward Snowden a espionné dans l’intérêt de l’humanité. En connaissance du prix, en connaissance de la raison, en connaissance du fait qu’il ne lui appartiendrait pas de dire si le sacrifice de sa vie en vaudrait la peine.
Il a pensé que notre effort le plus important, en premier lieu, est de comprendre le message : de comprendre son contexte, de comprendre son objectif, de comprendre sa signification et d’assumer les conséquences de la réception de ce message.
D’autres, bien sûr, considèrent que leur premier impératif est d’éliminer le message, le messager et sa signification : de rendre les choses aussi invisibles que possible. Parce que l’invisibilité est le lieu où les espions doivent vivre afin de travailler. Nous devons les laisser oblitérer le message du mieux qu’ils peuvent, et faire notre travail, qui est d’abord de comprendre.
Il sera difficile d’apprécier le moment où vous arriverez à vous sentir autorisé ou obligé de faire ainsi. La raison pour laquelle il sera difficile de l’apprécier est qu’il y a toujours beaucoup à dire dans les deux camps quand quelqu’un a fortement raison trop tôt.
Aux États-Unis, les Premature Anti-fascist [20] ont souffert par la suite. Il était bien d’avoir raison quand tous les autres avaient raison. Et il était mauvais d’avoir raison quand seules les personnes que nous ne voulions pas être étaient déjà là. Je n’ai pas besoin de vous expliquer qu’il est possible de considérer comme terroriste un homme qui a essayé de faire trop tôt ce que nous avons mis quatre ans à faire, et a coûté 750 000 vies, nommément de libérer les esclaves. Et je n’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi Gibbon considérait que la clé du respect attendri d’Auguste pour une constitution libre, qu’il avait détruite, était sa peur.
La mort de César était toujours présente à ses yeux, nous dit Gibbon, et cela forma ces principes en politique. Auguste était conscient, dit Gibbon, que l’humanité est gouvernée par des noms ; et il ne fut pas surpris dans ses attentes que le Sénat et les Romains acceptassent l’idée de l’esclavage, aussi longtemps qu’ils restaient respectueusement assurés de conserver leur ancienne liberté.
Nous devons rassembler les pièces pour comprendre. En premier lieu, nous devons voir les politiques d’aujourd’hui, à la fois comme Snowden les a vus, nous apportant ainsi le message avec lequel nous devons vivre, et comme nous les voyons en nous-mêmes.
Nous devons considérer, la prochaine fois, les politiques de notre condition. Je peux vous suggérer qu’elles résident en ceci : si nous ne faisons rien de mal, nous avons raison de résister. La nature de notre liberté est que nous la perdons si nous ne l’exerçons pas. Et la nature de notre liberté n’est pas nécessairement celle que nous trouvons dans les traités de droit.
La prochaine fois, nous devrons considérer deux traditions constitutionnelles aux États-Unis. L’une faite par le peuple européen fuyant pour être libre, et l’autre faite par le peuple africain réduit en esclavage, qui a dû fuir, à l’intérieur des États-Unis, pour être libre. Deux traditions constitutionnelles de résistance — structurées différemment et à égalité dans notre chair.
Il nous faut maintenant considérer la relation que nous avons avec le reste de la race humaine sous cet angle, et nous demander si nous recherchons des privilèges ou quelque chose qui appartiendrait à toute l’humanité. Pour cela, il sera nécessaire de comprendre les idées de ceux qui ont risqué leur vie pour nous informer, non parce que leurs idées sont à privilégier par rapport aux nôtres, mais parce qu’ils ont vécu une triste expérience dont ils peuvent parler.
Nous devons nous interroger sur le rôle de ces travailleurs dans les systèmes, à la fois privés et publics, qui forment l’espionnage contre l’humanité. Nous devons nous demander ce qu’ils disent à travers leur résistance et quel rôle nous devons tenir dans leur résistance. Le fait que des travailleurs se plaignent dans le Golf la semaine dernière posait question au football mondial. Nous devons être concernés au même degré par tout ce que nous avons appris des travailleurs dans la matrice [21]
pendant tout ce temps.
Nous devons nous demander ce que signifie — dans le monde de l’écoute, de l’espionnage, de l’analyse et de la conclusion, à la fois public et privé — cette chose que nous appelons « vie privée », en relation avec ce que nous avons l’habitude d’appeler « liberté ».
Mais bien sûr, à la fin, tout cela ne vaudrait pas la peine que nous en parlions ici, et encore moins votre venue ici pour m’écouter, si nous n’allions pas parler de ce que nous allons faire. Si le problème est que nous avons dormi trop longtemps, alors franchement, M. Snowden n’est seulement venu que pour nous réveiller.
Nous verrons qu’il existe des formes de résistance à la fois légales et politiques à travers le monde dans lesquelles nous devons nous engager. La prochaine fois, je vous montrerai du mieux que je pourrai les possibilités que nous pouvons choisir pour nous engager en ce sens. Mais nous devons aussi changer notre façon de communiquer, de manière à rétablir un équilibre entre ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils ne peuvent pas faire.
C’est là que réside le secret de l’énorme sacrifice de M. Snowden et de leur terrible colère. Parce que l’essentiel de ce que M. Snowden a fait, c’est de nous indiquer quelles armures sont encore efficaces. Il a maintenant gaché sa vie pour nous, pour nous dire ce que nous avons encore le temps de faire si nous voulons rendre à la technologie de nos communications, la moralité de notre liberté.
Il a été tout à fait précis. Il a été tout à fait précautionneux. Il a été le plus complet possible. Il connaît son travail. Il a espionné l’injustice pour nous et nous a dit ce que nous devons savoir. Malgré les efforts qui sont entrepris à chaque instant autour de nous, dans un monde devenant une prison sûre et effrayante pour leurs ennemis, il nous a dit ce qu’il nous faut pour faire le travail et le faire bien. Et, si nous avons une once de responsabilité, alors une part de notre responsabilité est d’apprendre, maintenant, avant que quelqu’un ne décide qu’apprendre est interdit.
Chose qui n’arrive jamais dans une société libre.
Si seulement nous n’étions pas ici. Je ne voudrais pas plus ne pas être ici que je voudrais que vous ne soyez pas ici. Je nous voudrais tous en dehors de cette guerre. Douze ans — la plus longue guerre de l’histoire de cette société, sans conclusion nulle part, qui n’est terminée nulle part, que l’on ne peut définir comme faite en aucun endroit.
Nous sommes passés de l’écoute des armées et des ambassades à l’écoute du commerce international et maintenant nous resserrons l’étau de l’espionnage sur la société tout entière, avec une habilet et une énergie que seul un empire en expansion peut gérer. Nous parlerons du monde où une nation de 1,3 milliard d’habitants obtient un système de surveillance de contenu en 16 mois, contrairement à l’idée de toute personne ordinaire qui pense, « ils ne peuvent pas faire ça ». Mais, grâce au nouveau Bechtel [22], Booz Allen Hamilton [23] — jadis employeur d’un Edward J. Swowden — oui ils le peuvent.
Les processus — pour ne parler que des processus — du totalitarisme mènent les exportations états-uniennes de nos jours. Je voudrais que nous n’en soyons pas là. Je voudrais que tout ce à quoi nous avons pensé au cours du vingtième siècle, nous l’ayons accompli. Je voudrais que nous ayons mis le totalitarisme en échec. Je voudrais que nous ayons éliminé la vérole. Je voudrais que nous soyons en train de développer l’Internet que nous méritons, nourri de la connaissance et de l’assistance de tous les autres.
Un jour viendra peut-être. Mais il nous reste une rivière à traverser avant d’arriver à la liberté, et elle est profonde et elle coule à grands flots dans l’autre sens. Et ceux qui veulent nous en sortir sont appelés « traîtres » — ils le sont. Et Dieu leur pardonne de lever les mains de colère ou ils seront tous massacrés. Et ceux qui le font savent qu’ils ont le droit pour eux.
Ce n’est pas bon d’avoir raison trop tôt.
Ce n’est pas bon d’avoir raison trop tôt, mais il n’est pas trop tôt d’avoir raison maintenant. Parce que si nous n’avions pas raison maintenant, alors ils se rappelleraient notre échec pendant quinze siècles. Et ils diraient de nous, qu’oppressés par le poids de notre corruption, et notre peur de la violence terroriste, nous étions prêts à nous soumettre car nous étions assurés de conserver notre ancienne liberté. Et comme pour toute autre personne — si ce n’est civis romanus sum, [24] alors qui êtes-vous ?
Ce n’est pas, pour nous, une façon de parler. Pas maintenant, jamais.
Nous avons erré si loin dans l’obscurité que nous ne savons plus qui nous sommes. Comme de nombreux personnages tragiques de l’histoire, M. Snowden est allé plus loin dans l’obscurité avec l’espoir de pouvoir nous ramener.
Nous ferions mieux de faire de notre mieux pour apprendre de lui ce que nous pouvons apprendre, car nous voyons sa lumière s’évanouir dans l’obscurité.
Traduit de l’anglais par : Geoffray Levasseur, Caroline Laurent, Philippe Buch, Maxime Corteel et José Fournier
Traduction reprise de ce site : https://www.geoffray-levasseur.org/files/moglen-snowden.and.the.future-pt1.pdfhttps://www.geoffray-levasseur.org/files/moglen-snowden.and.the.future-pt1.pdf
Voir aussi :
- Snowden et l’avenir, partie II : Oh, liberté
- Snowden et l’avenir, partie III : L’union, puisse-t-elle être préservée
- Snowden et l’avenir, partie IV : L’avenir de la liberté
Eben Moglen est le concepteur juridique de la GPL. À l’origine informaticien de haut niveau, il a recommencé ses études pour faire du droit quand il a fallu trouver des solutions pour développer une informatique libre. C’est lui qui a rédigé la GPL avec RMS. Il est maintenant professeur d’histoire du droit à Columbia. C’est sans aucun doute une des grandes figures des logiciels libres avec ESR, RMS et quelques autres.
Notes:
- Aéroport international de Cheremetievo, situé à 30 km au nord de Moscou.
- Julian Paul Assange, né le 3 juillet 1971, informaticien et cybermilitant australien, fondateur, rédacteur en chef et porte-parole de Wikileaks.
- Née Bradley Edward Manning le 17 décembre 1987, Chelsea Elizabeth Manning, selon son souhait, est une analyste militaire de l’armée des États-Unis ayant transmis à WikiLeaks des documents militaires classifiés.
- Base militaire située au nord-est du Kansas, connu pour être le « centre intellectuel » de l’armée états-unienne.
- Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, orig. The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, 1812, édition française originale en 8 tomes, Maradan.
- Edward Gibbon, né le 8 mai 1737, mort le 16 janvier 1794 est un historien britannique. Son Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain reste une référence pour les historiens.
- Marcus Tullius Cicero, né le 3 janvier 106 av. J.C., mort assassiné le 7 décembre 43 av. J.C., était un philosophe, auteur et homme d’état latin et fut consul de Rome.
- Marcus Claudius Marcellus, né vers 95 av. J.C., et mort vers 45 av. J.C., était un homme politique romain, exilé pendant plusieurs années puis gracié par Cicéron en échange de lui avoir permis de déjouer un coup d’état. Il devint consul vers 50 av. J.C.
- S. A. Bent, compilation, « Familiar Short Sayings of Great Men. », 1887. On peut traduire le titre de cet ouvrage en « Courtes citations classiques de grands Hommes ».
- Loi de sécurité nationale, loi de 1947, Pub. L. No. 235, 80th United States Congress, 61 Stat. 496, United States Code ch.15.
- Moglen fait allusion ici aux attentats du 11 septembre 2001.
- Acte de surveillance du renseignement étranger, loi de 1978, « FISA » Pub.L. 95–511, 92 Stat. 1783, 50th United State Congress ch. 36.
- Digne de vénération. Moglen fait là un jeu de mots en faisant référence à l’Empereur Auguste mentionné plus haut.
- Littéralement « course de taureaux ».
- National Security Agency souvent désigné par l’acronyme NSA.
- Aéroport de Londres Heathrow ; Moglen insinue que si les britanniques mettait la main sur Julian Assange, ils le mettraient dans une cellule de l’aéroport en attendant de l’extrader pour les États-Unis.
- Thomas Paine, né le 27 janvier 1737, mort le 8 juin 1809, était un intellectuel, pamphlétaire et révolutionnaire devenu états-unien après avoir émigré à 37 ans. Il a exposé ses positions dans le pamphlet « Le sens commun ».
- Le sens commun (Common Sense), « ouvrage adressé aux Américains, et dans lequel on traite de l’origine et de l’objet du gouvernement, de la Constitution angloise, de la monarchie héréditaire, et de la situation de l’Amérique Septentrionale », Paris, 1791, Gueffier.
- William Edward Binney, ancien employé de la NSA, lanceur d’alerte en 2001, après avoir travaillé pendant 30 ans pour l’agence. Il a assuré lors d’un témoignage sous serment que la NSA violait délibérément la constitution des États-Unis.
- Antifascistes Prématurés. Des antifascistes étaient parfois ainsi nommés peu après la Seconde Guerre mondiale lorsqu’ils étaient soupçonnés d’être des sympathisants communistes.
- Référence aux films de la trilogie « Matrix ».
- Société états-unienne à l’origine de nombreux scandales politico-judiciaire.
- Société états-unienne, ancien employeur d’Edward Snowden, ayant pour seul client le gouvernement des États-Unis (99 % de son chiffre d’affaire), mise en cause dans le programme de surveillance PRISM.
- Je suis citoyen Romain. Les prisonniers pouvait demander au pouvoir romain un traitement favorable en vertu de leur condition de citoyen romain. De nos jour, celui qui prononce cette phrase rappel les droits et devoirs de son pays pour ses citoyens.